Pierre BAYLE (1647-1706) Nouvelles lettres sur l’Histoire du calvinisme.

Corrigé de Patrick DUPOUEY


      Pierre Bayle est un grand auteur oublié. Son importance est cruciale pour le XVIIIe siècle et les Lumières. Rousseau rapporte dans les Confessions que Madame de Warens « ne parlait que de Bayle ». Vit en exil en Hollande depuis 1681 (le « Refuge » protestant). Rédacteur des Nouvelles de la République des Lettres, carrefour d’idées et lieu de discussions. Auteur d’un colossal Dictionnaire historique et critique (1696) inspiré d’une pensée de Montaigne : « Qui fagoterait suffisamment un amas des âneries de l’humaine prudence, il dirait merveilles. » (Essais, II, 12). Avant Voltaire, philosophe engagé, mais pas encore « intellectuel médiatique » (il n’y a pas de presse). Premier grand théoricien de la tolérance, et sans doute philosophiquement supérieur à Voltaire. Européen atypique : déraciné. Voici ce qu’écrit Élisabeth Labrousse, dans son introduction à Ce que c’est que la France toute catholique, Vrin, 1973, p. 17 – 18) :

    “Bayle est cet être assez nouveau, dans une société où tant d’ancrages accumulés fixaient un homme dans sa famille, sa province natale, son milieu social : un pur individu, une personne déplacée, et, de ce fait, un indépendant. Ce nouveau type humain a été multiplié dans le Refuge huguenot et s’il fut en général vécu subjectivement comme une privation douloureuse de tous ses réseaux rassurants et de toutes les chaudes solidarités qui enserraient et protégeaient l’homme d’Ancien régime, il apportait avec soi une possibilité toute nouvelle de mise à distance, de recul, de liberté critique, de relativisme et d’autonomie.“

 

1685 : Bayle n’a publié en France que sous couvert d’anonymat. Sa Critique générale de l’histoire du calvinisme de M. Maimbourg*, publiée l’année même de la révocation, est brûlée en place de Grève. Mais son auteur est identifié et frappé par Louvois dans la personne de son frère Jacob, pasteur à Foix. Arrêté en juin, Jacob meurt en prison le 12 novembre. Se sentant responsable de cette mort, Bayle multiplie son activité : Ce que c’est que la France toute catholique (mars 1686). Commentaire philosophique sur ces paroles de Jésus-Christ, Contrains-les d’entrer (octobre 1686).

 

* À laquelle s’ajoutent les Nouvelles lettres de l’auteur de la Critique générale ... d’où est tiré notre extrait.

 

 

 

1 - En quoi la thèse que soutient Bayle dans le premier alinéa mérite-t-elle l’appellation de « paradoxe impie » ?

Expliquez l’expression en prenant en compte les deux mots.

On appelle paradoxe une affirmation qui heurte l’opinion commune. Le paradoxe tient ici au fait qu’il peut y avoir une obligation intellectuelle de donner son assentiment à une erreur et d’y conformer son existence. Et symétriquement qu’il peut y avoir faute dans le fait de suivre ce qui est objectivement une vérité quand on n’y adhère cependant pas.

Que Bayle parle de « paradoxe impie » ne signifie pas qu'il en juge lui-même ainsi. Au contraire, il considère que « ce serait déplaire à Dieu » et que « ce serait aussi l’offenser » que de soutenir une autre conception que la sienne. Il veut dire qu’il s’attend ce que toute religion juge impie la thèse qu’il défend. En effet, Bayle présente comme légitime – mieux : comme imposée par Dieu lui-même ! – l’obligation de rejeter les affirmations et les dogmes religieux, dès lors qu’on ne les juge pas intellectuellement dignes d’être crus. Si l’affirmation selon laquelle Dieu n’existe pas m’apparaît comme vraie, Dieu lui-même me fait un devoir de me « soumettre » à cette conviction et donc de militer pour l’athéisme. Voilà qui est fort !

 

 

 

2 a - Que signifie l’idée de l’entendement « concierge de l’âme » ?

      L’entendement, c-à-d. la faculté intellectuelle de comprendre, est investi de la mission de sélectionner les pensées et jugements auxquels l’esprit pourra donner son assentiment, c’est-à-dire accorder foi.

  b - proposez une autre image.

Je n’en vois pas de meilleure que celle du videur posté à l’entrée de la discothèque, et qui ne laisse (théoriquement) entrer que les personnes portant la « tenue correcte exigée ». C’est-à-dire, en l’occurrence, les pensées en possession des titres attestant leur vérité (voir question suivante). Mais l’une d’entre vous a pensé à un passage des Essais (I, 26 : « De l’institution des enfants ») où Montaigne veut qu’instruisant son élève, « il [le précepteur] lui fasse tout passer par l’étamine [au crible] et ne loge rien en sa tête par simple autorité et à crédit ; les principes d’Aristote ne lui soient principes, non plus que ceux des Stoïciens ou Épicuriens. Qu’on lui propose cette diversité de jugements : il choisira s’il peut, sinon il en demeurera en doute. Il n’y a que les fols certains et résolus ». Bayle lui-même valide cette analogie (cf. question 8).

 

 

3 Sur quels « caractères de la vérité » peut-on se fonder pour fermer ou ouvrir les portes de l’âme ?

Même si vous ne pensez pas pouvoir les énumérer tous, indiquez précisément ceux qui vous paraissent les plus pertinents.

     Ici, il faut lire le texte, et non réciter tout ce qu’on sait à propos de la vérité : qu’elle est universelle, adéquate à la réalité, etc.

Le texte est clair : les caractères sont ce qu’une idée (ou une affirmation, une doctrine ; etc.) peut « porter », dont elle peut « se présenter revêtue », être « ornée » ou « se couvrir ». Par ce mot de « caractères », Bayle ne désigne pas la nature, l’essence de la vérité, ce qui la définit, mais les signes distinctifs auxquels on la reconnaît. « Caractère » est ici synonyme de critère.

Dans la métaphore du concierge, ces caractères sont représentés par les « enseignes » que doit porter le billet de ceux qu’il laisse entrer. « Enseigne » a ici le premier sens qu’indique le dictionnaire Robert (en signalant que ce sens est vieilli) : « Marque, indice, preuve ».

Bayle ne précise pas ici quels sont ces critères. On peut penser aux critères cartésiens de la clarté et de la distinction. Mais aussi à tous les motifs de crédibilité qui, pris séparément, ne sont pas suffisants, mais dont la convergence peut finir par déterminer une forte probabilité de vérité : cohérence logique interne (bien qu’erreur et mensonge puissent satisfaire à ce critère) ; compatibilité avec ce que nous savons par ailleurs de façon sûre ; témoignages convergents ; accord de la majorité (mais ce critère est assez faible) ; source dans une autorité reconnue (plus fort).

Le problème, c’est que beaucoup regardent comme d’authentiques caractères de la vérité des « enseignes » qui ne valent rien. Par exemple le fait qu’une idée soit partagée par le plus grand nombre, ou soutenue par une autorité, ou défendue par un beau parleur. Ceux-là sont à plaindre parce qu’ils sont exposés à croire beaucoup de faussetés. Mais Bayle nous dit qu’ils ne sont pas à blâmer, puisqu’ils cherchent sincèrement à faire correspondre ce qu’ils croient à la vérité.

 

 

 

4 - Bayle invoque « une loi générale dans l’univers qui oblige l’homme à se soumettre à la vérité qu’il connaîtra ».

    a. Qu’est-ce que « se soumettre » à une vérité ?

     Se soumettre à une vérité n’est ici rien d’autre que lui donner son assentiment. Il est possible – sans que cela soit certain que Bayle entende par là qu’on mette sa vie en accord avec ses convictions en réglant sa conduite sur ladite vérité (quand elle en impose une). Cela peut même peut-être aller jusqu’à faire en sorte que cette vérité soit connue et diffusée.


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b. En quel sens faut-il ici comprendre le verbe « connaître » ?

« Connaître » signifie ici : reconnaître pour vrai ce qui porte les marques indiscutables attestant en général de la vérité.

 

    c. Au nom de quoi peut-on affirmer l’existence d’une telle « loi » ?

Cette « loi » est clairement présentée par Bayle comme prescriptive. Elle « oblige » l’homme. Bien qu’elle soit ici rapportée à une volonté divine, on peut se demander si cette prescription ne dépend pas d’une loi en un autre sens : une nécessité universelle (« générale dans l’univers ») qui fait naturellement obstacle à ce qu’un esprit adhère sincèrement à un contenu de pensée qui ne satisfait pas à ce qu’il regarde comme les conditions sine qua non de la vérité. L’obligation contenue dans cette loi devient donc pour l’individu un droit, fondé dans le fonctionnement même de sa faculté intellectuelle – c’est-à-dire dans sa nature de refuser son adhésion à un article de foi qui lui semble invraisemblable.

 

 

5 a. Que veut dire, pour une vérité, « devenir particulière et, pour ainsi dire, individuelle » ?
Une vérité devient particulière en ce qu’elle ne peut être aperçue, comprise et reconnue comme telle par un esprit particulier qu’en lui

apparaissant à travers les caractéristiques inhérentes à son idiosyncrasie. Seulement, il faut bien voir qu’il y a une contradiction essentielle entre les concepts de vérité et de connaissance d’une part, et l’idée d’en faire quelque chose de particulier ou d’individuel d’autre part. La connaissance dont nous parle Bayle est plutôt une reconnaissance, au sens où, apercevant quelqu’un dans la rue, nous le reconnaissons. Mais il en va de la vérité comme d’une personne : leur reconnaissance est exposée à l’erreur. J’ai cru reconnaître Pierre, mais c’était Jean. De même, j’ai cru de toute bonne foi reconnaître une vérité dans telle ou telle affirmation qui en réalité était fausse. J’avais affaire à « une vérité travestie », une « fausseté masquée » derrière le déguisement de la vérité. Mais il faut souligner qu’à moins qu’on ne me débite intentionnellement des mensonges, masque et travestissement – donc l’erreur – ne sont imputables qu’à mon regard, ma perspective. Qu’on me présente une vérité ou une fausseté, je ne les reçois, comprends et juge qu’à travers ce que je suis (mon corps, mon histoire, mon éducation, mes connaissances et mes ignorances, mes préjugés, etc.). Ce qui me conduit souvent à prendre l’une pour l’autre.

Bayle parle ailleurs de « vérité putative » (cherchez le sens de ce mot) et l’oppose à la « vérité réelle » (c’est-à-dire « la vérité en elle-même et dans son idée métaphysique »).

Cette nécessité pour toute proposition (vraie ou fausse d’ailleurs, peu importe) d’être assumée au niveau d’une conscience par définition individuelle, avec tous les risques d’erreur que cela comporte, c’est ce qui interdit de faire de la certitude, c’est-à-dire de la fermeté avec laquelle

un sujet adhère à une idée, un critère fiable de la vérité.

 

 

b. Quelle difficulté ou quels dangers voyez-vous dans cette façon de dire ?

« La vérité devient particulière et individuelle », à la lettre, c’est tout à fait impossible. La vérité ne peut pas plus devenir particulière que Pierre ne peut devenir Jean (alors que Pierre peut être identifié comme étant Jean dans la tête de celui qui a la vue basse ou n’est pas très attentif). Par définition une vérité même la plus insignifiante est toujours absolue et universelle. La formulation choisie par Bayle pourrait conduire à l’oublier et à verser dans le relativisme. Or, il n’est aucunement question pour Bayle de faire sienne cette sottise si répandue : « À chacun sa vérité ». Bayle sait fort bien que la vérité est par essence absolue

 

c. Comment cette difficulté peut-elle se résoudre, ces dangers s’éviter ?

En comprenant que Bayle n’envisage une telle « particularisation » de la vérité que relativement à son intention bien précise, qui est ici de rétablir le sujet pensant dans son droit à juger librement de tout dogme et à ne soumettre a priori à aucune autorité.


6 - Qu’est-ce que Bayle entend par « la vérité en elle-même et dans son idée métaphysique » ?

Ici aussi, il faut bien lire : « dans son idée métaphysique ». Bayle ne parle aucunement de vérités dont l’objet serait de nature métaphysique (par exemple Dieu, ou la nature de l’âme). Il s’intéresse à une « idée », c’est-à-dire à la vérité considérée à un certain point de vue : ici, au point de vue de sa définition générale, de sa nature, par opposition aux vérités en tant qu’énoncés particuliers, affirmant ou niant ceci ou cela, portant sur tels ou tels objets particuliers (comme lorsqu’on dit que « 2+2 = 4 » est une vérité).

La vérité se définit, de façon générale, comme « propriété objective de la connaissance », pour reprendre l’expression de Kant. De même que la liquidité est la propriété commune de l’eau, de l’huile et du mercure ; la navigabilité de la Seine et du Mississipi ; la fausseté des propositions : « La densité du quartz est de 0,8 », « Mozart a composé la bande originale de Star Wars ». Il y a une infinité d’énoncés vrais, qui sont des vérités singulières, et qui consistent en nos jugements (pensés, prononcés ou écrits). Ces vérités-là existent « parmi les hommes », c’est-à-dire sont des réalités du monde, à côté de nos sentiments, nos volontés, mais aussi des choses matérielles. Il ne faut pas les confondre avec la vérité, notion qui ne désigne pas on ne sait quelle révélation ultime ou on ne sait quel être surnaturel, mais simplement cette propriété qu’elles ont en commun, qui en fait des vérités.

Que la vérité soit ici définie à un niveau « métaphysique » ne doit aucunement faire penser que Bayle la tiendrait pour inaccessible à l’esprit humain. Il y a un niveau « métaphysique » (au sens de Bayle, qui vient d’être explicité) d’une vérité comme : « La vache est un mammifère », vérité tout ce qu’il y a de plus accessible !

 

 

 

 

7 - « C’est donc l’idée particulière de chaque homme qui est à chacun sa vérité ».

  a. Comment faut-il comprendre cette affirmation ?

Il faut comprendre que si la vérité ne dépend pas de nous, du fait que nous la connaissions ou non, des opinions que nous formons tant bien que mal à son sujet, chacun n’en a pas moins sa propre perception de la vérité, selon ses moyens et à son niveau. Par exemple, je prétends avoir une idée de la vérité du théorème de Pythagore, mais je sais bien que cette idée ne m’ouvre qu’une perspective très restreinte sur cette vérité, sa portée théorique, comparée à celle qu’embrasse un mathématicien. En considérant cette vérité du théorème de Pythagore, le mathématicien voit une infinité de choses qui m’échappent, de même que le musicien entend dans un concerto de Bach une infinité d’aspects dont ma pauvre

intelligence musicale me prive, et qui entrent en l’enrichissant dans sa jouissance esthétique.

 

  b. Comment ne faut-il pas la comprendre et pourquoi ?

     Ne pas comprendre « à chacun sa vérité », et que l’individu serait la mesure du vrai et du faux. Ce relativisme est incompatible avec l’affirmation d’une vérité qu’on puisse considérer « en elle-même et dans son idée métaphysique ». Nous « respectons » la vérité dans la meure où nous sommes de bonne foi lorsque nous nous prononçons à son sujet. Mais Bayle ne dit aucunement que la sincérité puisse constituer un critère de vérité.

 

8 - Bayle, dans le premier alinéa, fonde en Dieu les « droits » que la vérité a « à notre égard ». Selon vous, la validité de sa démonstration dépend-elle de cette référence à la divinité, ou bien cette démonstration demeure-t-elle valide si l’on suppose que Dieu n’existe pas ?

     Ce que j’ai dit en 4.c suffit, à faire voir que les « droits » que la vérité possède « à notre égard » n’ont pas plus besoin d’un fondement en Dieu, et que la vérité a encore moins besoin d’être elle-même divine. Nos facultés naturelles sont certes faillibles, mais capables de nous ouvrir un accès à la vérité. Y aurait-il, comme le prétendent les Églises qui s’en proclament les seuls interprètes qualifiés, une révélation, c’est encore à l’homme qu’il appartiendrait de décider, à l’aide de ses facultés naturelles (celles que le Créateur, si créateur il y a, lui a données !), si cette révélation mérite d’être reconnue comme telle. « Dieu nous propose de telle manière la vérité, qu’il nous laisse dans l’engagement d’examiner ce qu’on nous propose, et de rechercher si c’est la vérité ou non » (Commentaire, p. 332 de l’édition Agora Presses Pocket). C’est toujours en dernière instance la conscience individuelle qui est juge. « Le tribunal suprême et qui juge en dernier ressort et sans appel de tout ce qui est proposé est la raison parlant par les axiomes de la lumière naturelle ou de la métaphysique » (Commentaire, p. 88). Une vérité doit, pour être validée, « passer par l’étamine* de la lumière naturelle » (Ibid., 93).

 

* Étamine : « toute pièce d’étoffe qui sert à filtrer » (Littré).

 

 

 

9 - À la dernière ligne, en quel sens faut-il entendre le mot « réputation » ?
 
Ici, être « dans la réputation d’être vrai », c’est être reconnu comme vrai par l’intelligence de celui qui examine. Et pas du tout être considéré comme vrai par la masse ou l’opinion du plus grand nombre. La tournure un peu vieillie peut égarer.

 

10 - Dans quelle intention, selon vous, Bayle a-t-il écrit ces lignes ? En pensant à qui ? Éventuellement, contre qui ?
Cette idée assez étrange de « droits de la vérité » doit s’entendre dans le contexte particulier de la réflexion de Bayle, qui n’est compréhensible qu’à partir d’une question dont il n’est fait aucune mention explicite dans cet extrait, mais qui en commande tout le développement. Il s’agit du problème de la tolérance. Les Églises – et spécialement, quand Bayle écrit, le catholicisme romain prétendent obliger tout homme à faire allégeance à leurs dogmes au nom de la vérité dont ils sont porteurs et de la Vérité Dieu lui-même dont ils émanent. Au nom de quoi elles pratiquent les conversions forcées, s’autorisant des jugements des Pères de l’Église, comme saint Augustin, qui déclarait dans la Lettre 185 qu’« Il y a une persécution injuste, celle que font les impies à l’Église du Christ ; et il y a une persécution juste, celle que font les Églises du Christ aux impies [...] l’Église persécute par amour et les impies par cruauté ». Puisqu’un des plus grands pères de l’Église vous le dit !

       Contre cette prétention, Bayle pose le droit absolu de la conscience, même errante, à décider elle-même de ce qu’elle entend reconnaître comme vrai à partir du seul verdict de l’intelligence. Ce que Dieu veut, ce n’est pas que je pense ceci ou cela (par exemple qu’il existe, ou que mon âme est immortelle et qu’elle ira au paradis ou en enfer), c’est que je pense tout court, que je juge en faisant usage des facultés qu’il m’a données. Comme chrétiens, dit Bayle, « nous regardons avec justice comme [...] l’asile inviolable de la conscience » « cette sentence de saint Pierre, il vaut mieux obéir à Dieu qu’aux hommes » (Commentaire, 312) ; or, il faut bien comprendre que c’est toujours par des hommes que me parle la révélation : leurs écrits, leurs paroles, leurs institutions (les Églises). La conscience devient par là un sanctuaire dont la violation devient attentatoire non à l’individu, au sujet, mais à Dieu lui-même. Les sacrilèges sont ceux qui prétendent obtenir des conversions forcées, ou qui nient la liberté de conscience, comme le faisait encore il n’y a pas si longtemps l’Église catholique romaine : dans l’Encyclique Mirari vos de 1832, le pape Grégoire VI fustigeait « cette maxime absurde et erronée ou plutôt ce délire : qu’on doit procurer à chacun la liberté de conscience. On prépare la voie à cette erreur, la plus pernicieuse de toutes, par la liberté d’opinion, pleine et sans bornes, qui, pour la ruine de l’Église et de l’État, va se répandant au loin [...]. À cela se rapporte la liberté la plus funeste, la liberté exécrable, pour laquelle on n’aura jamais assez d’horreur et que certains osent avec tant de bruit et tant d’instance demander et étendre partout. Nous voulons dire la liberté de la presse et de l’édition »

Où l’on voit en passant qu’il n’y a pas de réelle liberté de conscience là où la liberté d’expression et de publication n’est pas assurée.

® p. Dupouey