Rappel des règles :

Vous pouvez m'envoyer vos réponses, à  patrick.dupouey@gmail.com.
Je corrigerai personnellement les travaux individuels (s'il n'y en a pas trop).
     Dans quelques jours, je fournirai le corrigé.

 

Patrick DUPOUEY

Bonjour à tous,


Voici le troisième exercice des « devoirs de vacances »

 

     Vous êtes invités à réfléchir sur deux conceptions contemporaines l’une de l’autre, mais fort différentes, du fondement de nos obligations morales. Après avoir lu ces deux extraits, vous en discuterez les thèses respectives et présenterez une défense argumentée du point de vue qui est le vôtre relativement à la question posée

 

Émile DURKHEIM, L’Éducation morale, VIe et VIIe Leçons.

PUF, Cours de Sorbonne, 1903 1904. PUF, 1963, p. 74 76 & 82

     Toutes les fois où nous délibérons pour savoir comment nous devons agir, il y a une voix qui parle en nous et qui nous dit : voilà ton devoir.

Et quand nous avons manqué à ce devoir qui nous a été ainsi présenté, la même voix se fait entendre, et proteste contre notre acte. Parce qu’elle nous parle sur le ton du commandement, nous sentons bien qu’elle doit émaner de quelque être supérieur à nous ; mais cet être, nous ne voyons pas clairement qui il est ni ce qu’il est. C’est pourquoi l’imagination des peuples, pour pouvoir s’expliquer cette voix mystérieuse, dont l’accent n’est pas celui avec lequel parle une voix humaine, l’imagination des peuples l’a rapportée à des personnalités transcendantes, supérieures à l’homme, qui sont devenues l’objet du culte, le culte n’étant en définitive que le témoignage extérieur de l’autorité qui leur était reconnue. Il nous appartient, à nous, de dépouiller cette conception des formes mythiques dans lesquelles elle s’est enveloppée au cours de l’histoire, et, sous le symbole, d’atteindre la réalité. Cette réalité, c’est la société. C’est la société qui, en nous formant moralement, a mis en nous ces sentiments qui nous dictent si impérativement notre conduite, ou qui réagissent avec cette énergie, quand nous refusons de déférer à leurs injonctions. Notre conscience morale est son œuvre et l’exprime ; quand notre conscience parle, c’est la société qui parle en nous. Or, le ton dont elle nous parle est la meilleure preuve de l’autorité exceptionnelle dont elle est investie. [...]

 

ALAIN, Propos du 11 novembre 1906. Propos d’un Normand, n° 260

         Je dis que le respect de la vie d’autrui n’est pas un devoir social, attendu qu’il existe indépendamment de l’existence ou de la nature d’une société quelconque. Quand un homme tomberait de la lune, vous n’auriez pas le droit de le torturer ni de le tuer. De même pour le vol ; je m’interdis de voler qui que ce soit ; j’ai la ferme volonté d’être juste et charitable envers mes semblables, et non pas seulement envers mes concitoyens ; et je rougirais d’avoir augmenté injustement la note à payer, qu’il s’agisse d’un chinois ou d’un nègre. La société n’a donc rien à faire ici ; elle ne doit pas être considérée.

Ou alors, si je la considère, qu’exige-t-elle de moi, au nom de la solidarité ? Elle exige que j’approuve en certains cas le vol, l’injustice, le mensonge, la violence, la vengeance, en deux mots les châtiments et la guerre. Oui, la société, comme telle, ne me demande que de mauvaises actions. Elle me demande d’oublier pour un temps les devoirs de justice et de charité, seulement elle me le demande au nom du salut public, et cela vaut d’être considéré. C’est pourquoi je veux bien que l’on traite de la morale sociale, à condition que l’on définisse son objet ainsi : étude réfléchie des mauvaises actions que le Salut Public ou la Raison d’État peut nous ordonner d’accomplir. »

 


 

Patrick DUPOUEY

Bonjour à tous,


Voici le second exercice des « devoirs de vacances »,

 

que j’envoie en espérant – mais sans trop y croire – qu’il n’y en aura pas d’autre. Je remercie et félicite ceux qui se sont lancés dans le premier, qui n’avait rien d’évident. La correction du précédent exercice m’inspire quelques conseils pour celui-ci.
1 - C’est un exercice de lecture : il faut s’intéresser au texte lui-même, essayer d’en comprendre le sens, la démarche, les concepts. Et pour cela s’y plonger.
Il faut ne recourir que le plus tard possible à des sources extérieures (dictionnaires, ouvrages de philosophie, etc.).
2 - Si vous traitez une question, répondez en style clair, avec des phrases complètes. On ne peut pas utiliser le style télégraphique en philosophie.
Une bonne méthode consiste à essayer de répondre aux questions comme si elles vous étaient posées par quelqu’un qui ne comprend pas le texte.
3 - La nécessité d’être clair et précis fait qu’il vaut mieux traiter moins de questions, mais mieux.

 

Rappel des règles :

Vous pouvez m'envoyer vos réponses, à  patrick.dupouey@gmail.com, sachant qu'évidemment, chacun peut traiter 1, 2, 3 questions ou plus, selon ses goûts, son temps, son courage, l'intérêt qu'il trouvera au texte.
Je corrigerai personnellement les travaux individuels (s'il n'y en a pas trop).
     Dans quelques jours, je fournirai le corrigé. (Pour le corrigé du premier exercice, cliquer tout en bas de page)

 

Aristote, Éthique à Nicomaque, ch. X, 1137 a 31 – 1138 a 3


       L’équitable, en effet, tout en étant supérieur à une certaine espèce de justice, est lui-même juste : ce n’est pas comme appartenant à un genre différent qu’il est supérieur au juste. Le juste et l’équitable sont donc une seule et même chose, et l’un et l’autre sont bons, mais l’équitable est le meilleur des deux.
Ce qui fait la difficulté, c’est que l’équitable, bien qu’il soit juste, n’est pas le juste conforme à la loi, mais il est plutôt un amendement du juste légal. Cela vient de ce que toute loi est universelle, et qu’il y a des cas sur lesquels il n’est pas possible de prononcer universellement avec une parfaite justesse. Et, par conséquent, dans les matières sur lesquelles il est nécessaire d’énoncer des dispositions générales, quoiqu’il ne soit pas possible de le prononcer universellement avec une entière justesse, la loi embrasse ce qui arrive le plus fréquemment, sans se dissimuler l’erreur qui en résulte. La loi n’en est pas moins sans faute ; car l’erreur ne vient ni de la loi, ni du législateur, mais de la nature même de la chose : c’est la matière des actions qui, par elle-même, est ainsi faite.
     Lors donc que la loi énonce une règle générale, et qu’il survient des circonstances qui échappent au général, alors on a raison, là où le législateur a péché par omission ou par erreur en employant des expressions absolument générales, de remédier à cette omission en interprétant ce qu’il dirait lui-même, s’il était présent, et ce qu’il aurait prescrit dans sa loi, s’il avait eu connaissance du cas en question.
Voilà pourquoi l’équitable est juste et supérieur à une certaine espèce de justice ; non pas supérieur à la justice absolue, mais à l’erreur que comporte celle qui se trompe parce qu’elle se prononce en termes absolus. Et telle est précisément la nature de l’équité : elle est un amendement de la loi, dans la mesure où sa généralité la rend insuffisante. Car ce qui fait que tout n’est pas compris dans la loi, c’est qu’il y a des cas particuliers pour lesquels il est impossible d’établir une loi : en sorte qu’il faut avoir recours au décret. Car, de ce qui est indéterminé, la règle doit être elle-même indéterminée, comme cette règle de plomb, dont les constructeurs de Lesbos font usage : s’adaptant à la forme de la pierre, elle ne demeure pas rigide ; de même les décrets s’adaptent aux faits.
On voit ainsi ce que c’est que l’équitable – que l’équitable est juste – et à quelle sorte de juste il est supérieur. On voit aussi par là ce que c’est que l’homme équitable : celui qui, dans ses déterminations et dans ses actions, est porté aux choses équitables, celui qui sait s’écarter de la stricte justice et de ses pires rigueurs, et qui a tendance à minimiser, quoiqu’il ait la loi de son côté – voilà l’homme équitable. Cette disposition, voilà l’équité : c’est une sorte de justice et non une disposition différente de la justice.

1. Comment peut-on dire, parlant des lois juridiques, que "toute loi est universelle", alors que – contrairement aux lois naturelles – on ne leur obéit pas toujours ?


2. Que veut dire le mot "justesse" ?


3. Que signifie : "l’erreur […] résulte de la nature même de la chose : car telle est la matière des actions".


4. Que faut-il entendre par "justice en soi" ? À quoi et à qui Aristote fait-il allusion ici ?


5. Comment, si "le juste et l’équitable sont une même chose", l’un peut-il être "meilleur" que l’autre ?


6. Quels moyens la loi prévoit-elle concrètement (dans un État de droit comme la France) pour que son application soit équitable ?
Par quels procédés et procédures l’"ajustement de la loi" s’opère-t-il ? Présentez au moins un exemple concret.

 

 

Et pour ceux qui préféreraient retrouver la dissertation, comme au baccalauréat, je propose ce sujet :
On dit souvent que "la vie est courte". Est-ce vrai?

Patrick DUPOUEY

 

Bonjour,

     Voici un premier "devoir de vacances" pour la philosophie.

 

Libre à chacun de méditer sur le texte à partir des questions que je suggère, ou sans s'y référer.
Vous pouvez m'envoyer vos réponses, à  patrick.dupouey@gmail.com, sachant qu'évidemment, chacun peut traiter 1, 2, 3 questions ou plus, selon ses goûts, son temps, son courage, l'intérêt qu'il trouvera au texte.
Je veux bien corriger les travaux individuels (s'il n'y en a pas trop).
     Dans quelques jours (disons une semaine, pour laisser le temps à chacun de travailler), je fournirai le corrigé.
Bien entendu, la liberté est la règle : il va sans dire que la fréquentation de séances de l'UTL n'implique aucune obligation du côté de ces travaux permettant à nos auditeurs de ne pas perdre la main - ou plutôt la tête ! - philosophique.

Pierre BAYLE (1647 – 1706) Nouvelles lettres sur l’Histoire du calvinisme
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     Les droits que Dieu a donnés à la vérité dépendent d’une condition si absolument nécessaire que l’on ne saurait rendre sans crime les moindres hommages à la vérité si cette condition lui manquait. Or, comme par cette condition, l’on ne doit entendre autre chose, si ce n’est que Dieu nous oblige à aimer et à respecter la vérité, pourvu que nous la connaissions, il est évident qu’aussitôt que la vérité nous est inconnue, elle perd tout son droit à notre égard, et qu’aussitôt que l’erreur nous est connue sous la forme de la vérité, elle en acquiert tous les droits à notre égard ; car ce serait déplaire à Dieu que de respecter la vérité que l’on s’imaginerait être le mensonge, ce serait aussi l’offenser que de ne pas respecter le mensonge que l’on croirait être la vérité. Un exemple va merveilleusement éclaircir ce paradoxe impie.
Supposons qu’un maître qui s’en va faire un long voyage, donne ordre à l’un de ses domestiques de ne laisser entrer personne dans la maison s’il ne produit un billet marqué de telles enseignes ; il est clair, dans cette supposition, que le domestique doit laisser entrer tous ceux qui produisent un tel billet, fussent-ils des bandits et des scélérats ; et qu’il doit fermer la porte à tous ceux qui ne le produisent point, fussent-ils les enfants du maître. Cet exemple est plus propre qu’il ne semble, parce qu’il est sûr que, quand Dieu joint notre âme à notre corps, il établit l’entendement concierge de l’âme (qui est alors comme une maison toute vide) et lui ordonne de ne rien laisser entrer s’il ne porte les caractères de la vérité. On voit aisément la force de cette comparaison car […] l’entendement doit admettre tout ce qui se présente revêtu des caractères de la vérité et n’admettre rien qui ne soit orné de ces caractères […]
Y ayant une loi générale dans l’univers qui oblige l’homme à se soumettre à la vérité qu’il connaîtra, toutes les erreurs qui se couvrent des caractères de la vérité, et qui nous persuadent sous ce faux-semblant qu’elles sont la vérité, entrent en possession des droits exprimés dans la loi générale de la nature. Ce qui se confirme par cette nouvelle observation.
C’est que comme les droits de la vérité ne se peuvent exercer que sur des individus, ainsi la vérité ne peut agir si elle ne devient particulière et, pour ainsi dire, individuelle. Quelle est donc la vérité qui oblige l’homme ? c’est celle qui s’applique à Jean et à Jacques et qui devient elle-même idée particulière à Jean et à Jacques ; car pour la vérité en elle-même et dans son idée métaphysique, comment obligerait-elle l’homme, puisqu’elle n’existe pas même parmi les hommes, tout ce qui existe étant ceci ou cela en particulier ? C’est donc l’idée particulière de chaque homme qui est à chacun sa vérité. De sorte que si malheureusement cette idée particulière n’est qu’une vérité travestie, ce n’est qu’à la vérité travestie que chaque particulier peut obéir. Mais par quel droit cette fausseté masquée exige-t-elle cette obéissance ? c’est parce qu’elle se trouve dans le cas et dans la condition qui fonde le droit ; savoir, dans la réputation d’être vraie.

 

Questions :

1 - En quoi la thèse que soutient Bayle dans le premier alinéa mérite-t-elle l’appellation de « paradoxe  impie » ? 
Expliquez l’expression en prenant en compte les deux mots.


2 - a. Que signifie l’idée de l’entendement « concierge de l’âme » ?
     b. proposez une autre image.


3 - Sur quels « caractères de la vérité » peut-on se fonder pour fermer ou ouvrir les portes de l’âme ? Même si vous ne pensez pas pouvoir les énumérer tous, indiquez précisément ceux qui vous paraissent les plus pertinents.


4 - Bayle invoque « une loi générale dans l’univers qui oblige l’homme à se soumettre à la vérité qu’il connaîtra ».
     a. Qu’est-ce que « se soumettre » à une vérité ?
     b. En quel sens faut-il ici comprendre le verbe « connaître » ?
     c. Au nom de quoi peut-on affirmer l’existence d’une telle « loi » ?


5 - a. Que veut dire, pour une vérité, « devenir particulière et, pour ainsi dire, individuelle » ?
     b. Quelle difficulté ou quels dangers voyez-vous dans cette façon de dire ?
     c. Comment cette difficulté peut-elle se résoudre, ces dangers s’éviter ?


6 - Qu’est-ce que Bayle entend par « la vérité en elle-même et dans son idée métaphysique » ?


7 - « C’est donc l’idée particulière de chaque homme qui est à chacun sa vérité ».
     a. Comment faut-il comprendre cette affirmation ?
     b. Comment ne faut-il pas la comprendre et pourquoi ?


8 - Bayle, dans le premier alinéa, fonde en Dieu les « droits » que la vérité a « à notre égard ». Selon vous, la validité de sa démonstration dépend-elle de cette référence à la divinité, ou bien cette démonstration demeure-t-elle valide si l’on suppose que Dieu n’existe pas ?


9 - À la dernière ligne, en quel sens faut-il entendre le mot « réputation » ?


10 - Dans quelle intention, selon vous, Bayle a-t-il écrit ces lignes ? En pensant à qui ? Éventuellement, contre qui ?