Journal du COVID 19

Journal collectif réalisé en ligne

Jeudi 12 mars - Lundi 16 Mars 2020

 

atelier d'écriture

(Anne-Marie Cazanave)

 

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Françoise
          Alertes...12h mon fils se demande comment je peux continuer à écouter les informations, c'est oppressant dit-il. 15h Dominique, médecin avec qui je covoiture, m'informe qu'elle ne viendra plus à la gym pour le moment. 19h Je devais aller ce soir au théâtre des Nouveautés avec ma mère de 90 ans voir une pièce " EDMOND"; après quelques hésitations, nous avons simplement partagé un repas à la maison et écouté les informations massives et Présidentielles sur l'épidémie. 20h30 ma fille m'appelle pour me dire que je lui serai sans doute très utile, l'école ferme à partir de lundi. Elle pense que moi aussi je serai disponible ! 


Anne-marie
20h
Les yeux bleus d’Emanuel Macron me glacent. Les yeux dans les yeux de la Nation. Mauvais signe. «  Nous n’en sommes qu’au début ». Et moi qui me croyais vers la fin. La fermeture des écoles me détraque le temps,  le paisible déroulement des semaines, les rendez-vous cochés, l’attente des vacances.

 

VENDREDI


Annie
          Nous avons depuis quelques années le besoin irrépressible de partir et de  nous  retrouver à deux dans les grandes étendues nordiques où ciel et neige se confondent. Faux départ ce vendredi 13 ! Plus d’avion ou alors  quarantaine à Oslo. Alors, nous voilà perchés sur les serres commingeoises qui deviennent notre havre de solitude. Un retour sur soi, sur nous, mais aussi sur le monde affolé et en détresse. Merci Coronavirus !


Anne-marie
          Je me sens sur pied de guerre et je m’étonne bêtement que les pivoines et les arômes du jardin, fleurissent,  fidèles au rendez-vous. Le comme si de rien n’était de la nature ne me dit rien de bon. J’ai envie de nouvelles, de messages, de commentaires, d’action.

 

Gisèle
          Chance ou malchance: qui peut le dire?
La gravité sur les visages, les gestes, rapides, précis, les caddies se remplissent vite....
Aux caisses, le calme; une courtoisie toute en retenue. Les regards se croisent, s'attardent, le pourquoi suspendu aux lèvres muettes. 

Cécile
          Drôle de journée ! J'ai fait les courses car les enfants vont être là toute la semaine pour manger et il va falloir du stock, j'ai fait le plein de DVD à la médiathèque et de doliprane à la pharmacie. Ce soir, dans la ville, ambiance festive : les lycéens partaient en goguette qui dans les cafés qui dans les magasins et la pharmacienne m'a dit qu'elle avait vendu des préservatifs toute la journée... Pas sûr que tout  le monde ait bien compris quel était l'intérêt de la quarantaine...

SAMEDI

 

Clo ( 9h)

"- Allo Clo
- C’est toi  frangin ? Mais  tu es où ?
- Je suis bloqué au Maroc. Les frontières sont fermées,  je ne peux pas rentrer. »
 Mon frère de 75 ans bloqué dans un pays où les soins médicaux proposés ne sont pas à la hauteur de ceux que le France prodigue.


Gisèle
          Le portrait du candidat écologique les Verts, jouxte celui d'un pangolin dodu.
"Ayons demain le triomphe modeste, et remercions l’animal à écailles"

Pendant que les Français cherchent leur souffle dans les hôpitaux bondés, la planète respire.

Cécile
          Ce matin, pas moyen de dormir. Pour une première grasse matinée, c'est réussi. On a quand même un peu la frousse...Odyssud et le Parvis ont fermé (sauf cinéma), plus de handball pour Félix pendant un mois, cours de piano via skype,....

Anne-marie
          Souvenir des vacances de Février et d’un café partagé à Méridien avec Claire. Moment rare ! Sur l’écran géant défilent en boucle les images du coronavirus de Wuhan. Nous échangeons un sourire complice. Quelle intox ! Ah ces journalistes ! Ce n’est pas à nous qu’on la fera !

Jacqueline
           Samedi  7 mars, après un passage obligé au pressing récupérer  un vêtement (et s’il était fermé la semaine prochaine ?) je rentre mais il est encore tôt dans l’après-midi et j’ai envie d’aller faire un saut au salon de thé, petit plaisir avant une éventuelle fermeture ! Moins de monde dans les rues qu’un samedi habituel, plus de jeunes que de personnes âgées, de même à la pâtisserie – mais je ne suis quand même pas la seule – et  voilà la nique faite au coronavirus pour ce jour…. Avant de se confiner !... Mais demain j’irai quand même voter…


Françoise
          Journée bizarre, faite de communications téléphoniques pour annuler une journée familiale, un repas entre amis, pour vérifier qui va rester vraiment confiné, qui va rester en appui des autres.
Pour la première fois je suis placée par les miens dans la catégorie des vulnérables. Les jeunes veulent se débrouiller pour s'occuper des tout petits, pour nous protéger. 
C'est pas désagréable mais inhabituel, bizarre.

Michèle

          Réunion avec l'association « LIVRES EN BIGORRE »pour choisir des textes qui seront lus courant avril lors d'une soirée avec la présence de la poétesse. Nous avons passé un super moment autour d'une table chaleureuse. En rentrant en voiture le retour à la réalité. Bombardement d'infos en boucle à la radio que j'éteins aussitôt et je me suis arrêtée au premier supermarché. Les rayons à moitié vides m'ont inquiétée. Le soir je suis allée avec une amie voir De Gaulle au cinéma. Une quinzaine de personnes dans la plus grande salle. En me dirigeant vers la maison, je revois l'horreur  de la guerre, les bombes, la peur, les fuites sur les routes des femmes, vieillards.

DIMANCHE

 

Anne-marie
          Allocution hier soir  d’Edouard Philippe. Je n’avais  rien vu venir. J’ai passé la soirée  à penser aux commerçants contraints de fermer leurs boutiques, si brutalement. Puis plus égoïstement à tout ce qui allait désormais nous manquer en couleurs, diversité, fantaisie. Tout ce luxe que nous sentions à peine.
Fin de la légèreté !


Gisèle
          Par crainte d’un mauvais score aux élections municipales, le parti au pouvoir annonce, dès ce soir, des mesures fortes:
Interdiction de circuler sur le sol français pour le pangolin.

On attend de vives réactions émotionnelles, dans  les partis d'opposition !

Clo
          Rapatriement de tous les français, dont mon frère à la retraite à cinq  chiffres, résidant au Maroc pour raisons financières… Mince, ils risquent de devoir payer leurs impôts en France ? Mais non…  Dès que tout sera rentré dans l’ordre, les rats quitteront le navire…
Les crèches ferment, ma fille enceinte en repos absolu m’a sollicitée pour garder sa fille âgée de trois ans. Les collèges ferment, ma fille infirmière urgentiste m’a sollicitée pour garder ses deux  garçons.
Bienheureux les retraités qui coulent des jours tranquilles …

Michèle

          Je vais voter. Un calme impressionnant dans une salle ou le désinfectant trône sur la table centrale. Je n'ai pas oublié le stylo. On innove. Les rues désertes, les restaurants fermés donnent un sentiment d'abandon. Seuls les aboiements de quelques chiens de mon quartier créent un semblant de vie  dans un monde  figé.

Françoise
          Je décide d'aller voter avec mon stylo personnel. A 8h30 nous étions cinq citoyens à deux mètres,  les uns des autres et avons dû nous laver les mains. Encore bizarre. Je ne me prends pas pourtant pour Pilate! Cet après-midi, promenade à pied, et j'aperçois le SAMU 15 et les pompiers dans la cour d'une maison. Personne n'a de masque. Quand je repasse,  la police avec deux ou trois personnes. Seule une policière a le visage protégé. je ne peux m'empêcher de penser qu'ils sont là pour le COVID 19. Cette proximité rend le risque plus concret et je ne m'attarde pas. Ce virus est donc peut-être déjà partout. Les rencontres sont réellement à éviter !

LUNDI

 

Anne-marie
          Je téléphone hier soir à mon petit frère. Il est généraliste, amateur de bonnes blagues et toujours surmené. A-t-il réussi à se procurer un masque ? Il me répond du fond de son lit, forte fièvre et il tousse, tousse. « J’ai chopé cette saloperie. Ne viens pas et surtout ne sors pas ! ». Nuit blanche. Il va mieux ce matin. Ah frangin ta plaisanterie, là, n’est pas drôle !
Pierre
« Coronavirus ».Un virus couronné, un virus souverain, qui exerce un droit de vie et de mort, et devant lequel nous ne pouvons que nous incliner humblement en attendant son verdict. Il aurait peut être été moins menaçant si on l’avait appelé « Cocovirus » ou « Mimivirus ».

Mado
          Le ciel est gris comme l’est l’idée des jours à venir: plus de bisous, plus d’accolades, plus « d’être ensemble »……..Il va falloir faire avec…..apprendre à voir peu de monde, vivre éloigné des autres
Et peut-être se sentir encore un peu plus seule, un peu plus seul…..
Mais nous rebondirons c’est juste un arrêt sur images…..nous allons faire le gros dos et demain ce sera à nouveau le temps des bisous, des rencontres et de toutes nos libertés retrouvées.

Gisèle
          Dans les locaux de la S. P. A, la réaction ne s’est pas fait attendre. Le gouvernement a trouvé son bouc- émissaire : l’innocent pangolin.
Tout animal peut-être un vecteur de maladies.

 Et, que dire de l’homme,  le plus dangereux de tous et  le plus destructeur ?

Annie
           S.O.S. Maman ! Plus d’école ! Les enfants sont à la maison dès ce lundi. Pour plusieurs jours ! …. ou plusieurs semaines !!!!
OK. Mais tu sais que nous ne pouvons pas venir les garder à Genève.
Non, ce n’est pas ça. C’est pour les occuper, j’ai pensé à tes talents de couturière.
Merci ma fille ! Je te prépare quelques travaux de couture faciles. Point avant, point arrière, point de piqûre. Pour commencer. Et du tissu et des fils. Et à la Poste !
Avec des explications bien sûr ?
Bien sûr ! Et elles pourront m’appeler sur Skype. Je suis sûre que cela va leur plaire ! Par ces temps durs, je suis bien contente de pouvoir t’aider.

 

Michèle
          La psychose qui dérègle notre jugement ouvre un espace-temps inconnu de nous même. Une peur insidieuse de « l'Autre » nous pénètre malgré nous. Curieuse constatation. La barrière du non toucher est dressée comme un rempart. Je me sens pestiférée mais je comprends que nous ne formons qu'un en définitive.